Il n’est pas question cette fois de la Camorra et de son emprise tentaculaire sur les corps et les esprits. Encore moins de règlements de comptes à l’arme lourde pour quelques grammes de cocaïne. Si Matteo Garrone, le réalisateur multiprimé de Gomorra, retrouve une de ces banlieues pauvres du sud de l’Italie, c’est de violence ordinaire qu’il s’agit dans ce Dogman, où les chiens se transforment volontiers en agneaux et les hommes en loups.
De cette violence qui s’insinue au quotidien dans la vie des petites gens, démunis face à la tyrannie de quelques brutes épaisses, et dont l’injustice quand elle ne conduit pas à la résignation, peut provoquer une explosion de rage brute et transformer un brave petit homme en bête féroce.
Le rapport entre le faible et le fort, et l’inégalité qui en découle, dans une Italie contemporaine minée par la corruption et des années de renoncement politique est au cœur de ce très beau et très sombre film de Matteo Garrone, qui n’a pas reçu à Cannes, où il était présenté, l’accueil qu’il méritait.
Avec cette farce macabre, se déroulant dans un décor incroyable de ville rongée par la pauvreté et l’abandon, le réalisateur explore pourtant avec brio les recoins les plus obscurs de notre humanité et renoue avec ce qui avait fait la force de Gomorra.
Les chiens dont il est question dans Dogman, ce sont ceux dont Marcello, dit « Marcé », s’occupe comme toiletteur, dans une ville pauvre du littoral du sud de l’Italie où, face à la déliquescence des structures étatiques, règne la loi du plus fort.
Petit homme au visage à la Buster Keaton et à la voix fluette, Marcello voue un amour inconditionnel à ses toutous. Sa patience et sa gentillesse sont capables d’amadouer n’importe quel colosse vindicatif. Le soir, il va jouer au foot avec les copains et, s’il deale un peu de cocaïne, c’est pour emmener le week-end sa fille, Alida, plonger en mer.
Mais lorsque Simoncino, petite frappe et brute épaisse du quartier, sort d’un séjour en prison, il met le quartier en coupe réglée. Et entraîne Marcello, qui n’ose pas dire non, dans une série de petits larcins. Arrêté par la police, il refuse de dénoncer son ami d’enfance et accepte de faire de la prison à sa place.
Une loyauté bien mal récompensée puisque à sa sortie, Simoncino ne lui adresse plus la parole et a dilapidé la part du gâteau qu’il lui avait fait miroiter. Marcello va alors imaginer une vengeance terrible.
La Croix