André Téchiné, avec la complicité de sa jeune co-scénariste Léa Mysius, s’empare d’un sujet d’actualité brûlant, l’engagement de jeunes Français pour le Jihad, tout en restant fidèle à ses thèmes de prédilection : la fougue et le désir d’absolu de la jeunesse, la force de l’amour, les liens familiaux. Et pour ancrer son histoire, celle d’un engagement morbide en même temps que d’un impossible dialogue entre deux êtres qui s’aiment, il choisit une fois encore la lumière du Sud-Ouest et retrouve l’une de ses comédienne fétiches, Catherine Deneuve : on sent bien la complicité qui les unit, grâce à une caméra qui sait capter les non-dits, le trouble et la douleur sourde de son personnage. Face à Deneuve, Kacey Mottet-Klein, que l’on voit vieillir et s’épanouir à l’écran au fil des films et qui porte cette fougue romanesque et animale qui habitait déjà les jeunes héros des Roseaux sauvages. Entre ces deux-là qui incarnent deux générations, deux talents, deux tempéraments, c’est une confrontation à la fois terrible et bouleversante.
Le film ne raconte pas le processus d’engagement et le récit commence alors que le choix des deux jeunes personnages est solidement ancré en eux. Le retour en arrière, le doute ne semblent plus possibles et c’est sans doute la grande intelligence de Téchiné que de préférer prendre un axe transversal, celui de la relation entre Alex et Muriel, pour aborder cette question brûlante. Même s’il est plus facile, a priori, de s’identifier à Muriel, le regard porté sur Alex et Lila ne tombe jamais dans la caricature ou le jugement et même si le processus de déshumanisation dans lequel ils s’engagent est terrifiant, la complexité morale et psychologique est bien présente.
Il faut enfin parler du titre, “L’Adieu à la nuit”, énigmatique et ambivalent… Il peut tour à tour évoquer pour ces jeunes l’appel d’une « lumière divine » qui a touché leur cœur et leur âme, eût-elle la couleur d’une flamme destructrice. Ou bien le retour à la vie, au jour, à l’amour, porté peut-être dans le film par le personnage de Fouad, ancien jihadiste repenti en qui Muriel va trouver un précieux allié.
Utopia