Depuis quelque temps, le féminisme a tendance, et c’est heureux, à se réapproprier l’Histoire. Il y a eu La Favorite, sanglant jeu de dames à la cour ou comment, dans l’Angleterre du xviiie, filles de rien et courtisanes de haut rang étaient condamnées au même sort — la prostitution. Voici Marie Stuart, reine d’Ecosse, un premier film qui fait d’une autre tête couronnée une héroïne certes sacrifiée, mais batailleuse et vaillante.
Josie Rourke, première femme à avoir dirigé une grande institution théâtrale londonienne, le Donmar Warehouse, ne cède pas à la facilité d’un énième portrait de Marie Stuart en reine martyre, pas plus qu’elle ne fait d’Elisabeth Ire, sa cousine et rivale, un impitoyable bourreau. Plutôt que sur leur affrontement, elle insiste sur la gémellité de leurs destins de souveraines, toutes deux maudites d’avoir accédé au trône avec le mauvais sexe. Leurs règnes furent radicalement différents ? L’une était catholique et elle enfanta un roi, l’autre, anglicane et sans descendance ? Certes, mais pour Marie comme pour Elisabeth, les allées du pouvoir devinrent des coupe-gorge.
Leur unique scène en commun résume bien l’esprit de ce film visuellement splendide. Au milieu de nulle part, traquée par ses ennemis, Marie (Saoirse Ronan), diaphane et fière dans son dénuement, demande de l’aide à Elisabeth (Margot Robbie). Puissante mais vulnérable, celle-ci apparaît en collerette dentelée et perruque fauve, les lèvres rouge sang comme des plaies ouvertes sur un visage de craie, plus clown triste que Reine de cœur. Au lieu du duel de rousses attendu, cette rencontre s’impose comme un sommet d’émotion et dit l’impossibilité tragique d’une solidarité féminine au faîte du pouvoir. Cernées par l’ambition criminelle des hommes de leur cour, les deux femmes n’ont, pour garder leur trône, pas d’autre choix que de gouverner à la façon des mâles dominants.
Télérama