Professeur terne et introverti, Marcelo enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires. Un jour, se présente enfin l’occasion de briller : suite au décès de son mentor, il est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais voilà que débarque d’Europe un autre candidat, séduisant et charismatique, bien décidé à lui-aussi briguer le poste.
L’un est le représentant de la stabilité et la perpétuation d’une ligne engagée depuis plusieurs décennies, quand l’autre se veut plus moderne et ouvert sur le contemporain avec son expérience à l’étranger.
Passé cet humour très léger et situationnel, on découvre un autre aspect du film, plus politique, qui se nourrit à la fois de la situation compliquée en Argentine, une crise économique qui touche de plein fouet l’enseignement supérieur, avec également une réflexion plus profonde sur les choix faits pour influer sur le cours de son existence. En une fraction de seconde, il n’y a plus de Puan, de cours, de semestre à préparer, et une situation presque insurrectionnelle se retrouve dirigée en pleine rue par tout le corps enseignant et leurs étudiants, confrontés à la violence policière. Les deux rivaux Marcelo et Rafael sont de nouveaux côte à côte, se révélant dans un moment difficile, loin de leurs atermoiements passés.
C’est pourtant bien un choix politique et personnel qui les rapproche alors qu’il les opposait quelques instants auparavant. Déjà dans le choix de l’orientation du département de philosophie politique, il y avait un questionnement fort sur l’orientation à donner entre conservatisme et réforme d’un enseignement qui pouvait avoir tendance à s’enliser dans une pratique peu remise en question. Marcelo est le plus touché par cet antagonisme, ce moment remettant en question les choix qu’il a pu faire ou oublier de faire, dans ces décennies où il a suivi aveuglement le sentier tracé par son mentor qui vient juste de décéder. Pour son épanouissement personnel, n’est ce pas le moment parfait pour décider ce qui pourrait lui permettre de renaître à un moment crucial de son existence ?
C’est en cela que la comédie écrite par les deux auteurs est brillamment construite, le scénario ayant d’ailleurs reçu le prix du meilleur script au dernier festival de San Sebastian. Le burlesque n’empêche pas le film de devenir plus qu’une simple série de gags, allant jusqu’à l’élever dans une lecture critique de la société argentine et une radiographie de la vie d’un homme qui se révèle dans un moment de crise, enfin conscient de ses choix.
Le bleu du miroir