En ces temps fort moroses, pour ne pas dire dramatiques, où les occasions de rire sont rares, vous râlez parfois en pointant du doigt la petite place accordée dans notre programmation aux comédies, face à une majorité de films dramatiques qui racontent le monde tel qu’il est, c’est-à-dire pas gai. Les comédies françaises sont légion, mais nous ne vous les proposons pas parce qu’elles reposent sur des ficelles humoristiques qui ressemblent à des cordes d’amarrage de supertankers, avec des clichés pas toujours très fins. Mais alléluia ! Voici un joli film hexagonal où l’on rit franchement, où l’on retrouve l’optimisme des comédies sociales de Capra, l’acidité des maîtres italiens des années 70, avec parfois une dose de grand burlesque ou de comique dévastateur façon Leconte ou Blier. On est tombé en affection pour Chad Chenouga avec ses deux précédents films qui ne sont pas franchement des comédies, De toutes mes forces, largement autobiographique, racontait le combat d’un jeune adolescent placé en foyer pour conquérir le droit d’avoir une vie normale et puis Le Principal, portrait d’un principal adjoint de collège incarné par Roschdy Zem obsédé par la réussite scolaire de son fils. Deux films sous le signe de la subtilité et de la tendresse.
Pourquoi tu souris ?, réalisé à quatre mains avec Christine Paillard – déjà co-scénariste des deux films cités plus haut –, est d’emblée très différent et se place clairement dans le registre de la comédie. On découvre Wisi, un grand dadais noir de peau venu chercher la bonne fortune à Bordeaux. Il se présente à l’Opéra de la ville pour interpréter un rôle dans une représentation du Roi Lear, dont il est vite écarté pour incompatibilité entre son physique et la pièce. Sans ressource et à la rue, il va devoir son salut à la gentillesse spontanée de Marina, bénévole dans une association d’accueil des sans-papiers, à laquelle il va faire croire qu’il est un migrant. Sa route va croiser celle de Jérôme totalement dans la dèche lui aussi car pathologiquement allergique à l’effort, donc au travail – une affection pas encore prise en considération par la Sécurité Sociale.
Si la première partie du film est la chronique caustique et acide des piètres combines de deux filous adeptes du système D, dans l’esprit des films de Scola, rapidement la tendresse naturelle de Christine Paillard et Chad Chenouga prend le dessus autour de ce trio cabossé par la vie et qui va se trouver une complémentarité et une affection réciproques malgré les petits mensonges et duperies originels. Le film confirme ainsi l’immense talent comique de Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard, auxquels Emmanuelle Devos donne la réplique avec une fantaisie et une classe impériales.
Utopia